Ranma 1/2 × 2 × 4 Par St Fan [Résumé des chapitres précédents] Suite à une raclée mémorable infligée par Ranma, Akané et Hinako, Happôsaï jure de prendre sa revanche. Deux jours après, un inconnu blond habillé en ninja vient défier Ranma à l'école. L'homme se présente comme un disciple d'Happôsaï et se fait appeler Buckaroo Hentai. Il hypnotise les filles du lycée, qui se comportent alors toutes en amoureuses transies, à leur grande honte lorsqu'elles reprennent leurs esprits. Quand Ranma répond au défi, Buckaroo Hentai lui jure qu'en cas de défaite il lui prendra sa virginité. Suit un violent combat, où Ranma se retrouve en mauvaise posture jusqu'à ce que Kunô, Ukyô et Akané lui viennent en aide. Plus tard au Dôjô Tendô, la famille découvre grâce à Cologne que cet agresseur a été créé par Happôsaï à partir de l'idée qu'il se faisait de lui dans sa jeunesse. La nuit, Buckaroo Hentai s'introduit dans la chambre de Akané, mais Ranma le surprend. Le pervers est poursuivit dans les rues par Cologne, Sôun, Genma et Ryôga. Ranma veut les rejoindre mais Akané, encore sous hypnose, ne pense qu'à faire l'amour avec lui. D'abord réticent, Ranma lui cède. Le lendemain, Akané est furieuse que Ranma ait profité d'elle et veut le massacrer. Mais Nabiki, qui les avait épiés, parvient à raisonner les deux amoureux récalcitrants et à leur faire reconnaître leurs sentiments. Plus tard, Ranma se retrouve seul avec Akané dans la maison. Akané réagit d'abord à ses avances avec violence, mais ils finissent par s'aimer, sans savoir qu'Happôsaï joue les voyeurs. Revitalisé, le vieux maître promet d'aider à lutter contre sa propre création, Buckaroo Hentai. Celui-ci attaque de nouveau le lycée trois jours plus tard, terrasse Kunô et Ryôga avant d'essayer de violer Ranma-chan. Mais Happôsaï, Sôun et Genma interviennent, et Akané parvient à prendre la fuite avec Ranma. Chapitre VIII [Dôjô Tendô] Akané a parcouru la distance séparant le lycée Fûrinkan du Dôjô Tendô d'une seule traite. À peine arrivée, elle appelle Kasumi, laisse descendre Ranma de son dos et s'apprête à repartir, très inquiète pour son père et ses comparses. Akané : Onê-chan ! L'autre Hentaï a réapparu ! Otô-san, Saotomé-ojisama et le maître se battent contre lui ! Je dois retourner les aider ! Occupes-toi de Ranma, je crois qu'il n'est pas dans son état normal ! Kasumi : Akané-chan, ATTENDS ! Akané s'arrête, surprise par le ton étonnamment autoritaire de sa grande sœur. Kasumi : Si ce pervers est dans les parages, il n'est pas question que je te laisse repartir. Akané : Mais, Onê-chan... Kasumi : Ne t'inquiètes pas pour Otô-san et les autres. Nabiki vient de m'appeler au téléphone depuis l'école. Le maniaque a disparu, et elle s'occupe de nos parents. Elle va d'abord les conduire chez Tôfû-senseï avant de se débrouiller pour les ramener ici. Akané : Ha... tant mieux. Akané enfin apaisée, Kasumi se tourne vers Ranma-chan. Elle constate avec inquiétude que la rouquine fait peine à voir. Son aplomb habituel a totalement disparu, et sa face est livide. Elle s'est recroquevillée par terre à l'instant ou Akané l'a déposée, et se contente de trembler. Kasumi : Ranma-kun ? Qu'est-ce qui t'arrives ? C'est moi, Kasumi. Tu peux me dire ce qui c'est passé ? Ranma-chan lève des yeux pleins de larmes vers l'aînée des sœurs Tendô et la fixe un moment, bouche tremblante. Soudain, elle s'accroche à la blouse de Kasumi et se plaque contre elle en pleurant. Ranma-chan : Il...Il a... voulu... me violer ! Ranma repart dans des sanglots hystériques. Akané est totalement effarée et effrayée de la réaction de Ranma. Mais Kasumi la serre calmement entre ses bras pour la réconforter. Kasumi : Tout va bien. C'est fini. Tu es en sécurité, maintenant. Akané : Honnêtement, Ranma, qu'est-ce qui te prend ? Ça ne te ressemble pas de réagir comme une femmelette. Tu es un homme, oui ou non ? Kasumi : Akané-chan, je crois que ce n'est pas le moment. Ranma, malgré ses sanglots, tourne un visage plein d'incompréhension vers Akané. Ranma-chan : Pourquoi... tu dis... ça ? Je suis... une fille. Akané sursaute et se raidit comme si elle s'était électrocutée. Le monde lui semble tourner à toute vitesse autour d'elle, et elle est prise de vertiges. Kasumi, par contre, reste très calme. Tout doucement, elle relève Ranma-chan et la conduit vers la chambre d'amis. Puis, après réflexion, elle change d'avis et guide la rouquine jusqu'à sa propre chambre, où elle veille à ce qu'elle se couche. Kasumi : Je pense que tu ferais mieux de te reposer, Ranma-chan. Essaye de dormir. Si tu veux, je peux t'apporter un somnifère. Ranma-chan : Merci, Kasumi-Onê-chan. Après un dernier regard préoccupé sur Ranma-chan, Kasumi ressort de sa chambre et descend l'escalier. Toujours aussi calme, elle se dirige vers Akané. Sa petite sœur est restée debout dans le couloir, figée, les yeux cernés de noir. Elle semble sur le point d'exploser. Kasumi se plante devant elle et lui parle avec douceur mais fermeté. Kasumi : Écoutes-moi, Akané-chan... Akané : Ranma... qu'est-ce que ce monstre lui a fait ? Ranma... Kasumi : Akané, je crois que Ranma est dans le même état que la fois où il s'était cogné la tête et se prenait pour une fille. Sauf que cette fois, c'est sûrement beaucoup plus grave à cause du choc qu'elle a subi, et... Akané : Non ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas qu'il soit comme ça ! Pas maintenant ! Kasumi : Akané-chan, calme-toi, voyons. Mais Akané semble au bord de la crise d'hystérie. Elle pleure, trépigne et secoue la tête avec dénégation comme une enfant capricieuse. Kasumi la prend par les épaules et la maintient fermement. Akané cesse de gigoter et se contente de pleurnicher en reniflant bruyamment. Kasumi : Akané, je crois que tu ferais bien de te reposer toi aussi. Tu verras, ça ira mieux après. Je vais appeler Tôfû-senseï pour qu'il vienne examiner Ranma-chan et prendre soin de toi. Akané : Snif... oui. Merci, Onê-chan. [Peu de temps après] Un étrange cortège passe la porte du Dôjô Tendô. Nabiki avance en premier, et tenant Happôsaï comme un ballot par-dessus son épaule. Le vieux maître est enveloppé comme une momie dans des bandes de gaze. Derrière, Tôfû-senseï et Tatéwaki Kunô portent Sôun, chacun ayant passé un des bras du blessé autour de leurs épaules. Le chef de la famille Tendô est débarrassé de son armure, et porte de nombreux pansements. Fermant la marche, Ryôga porte le panda (également couvert de sparadraps) sur son dos, comme une énorme pièce de gibier. Il ne plie même pas sous le poids, marchant d'un pas égal. Il traîne également un sac d'où dépassent les pièces éparses de l'armure de Sôun et de ses armes. Kasumi sort de la maison pour accueillir tout le monde. En la voyant, le Docteur Tôfû lâche soudain son patient et se redresse, les lunettes embuées, laissant Kunô surpris et en déséquilibre finir par s'affaler avec Sôun l'écrasant de son poids. Tôfû-senseï : Ka-su-mi-san-quelle-quelle-quelle-surprise de vous voir ici ! Nabiki : Elle habite ici, je vous rappelle. Kasumi : Ho mon dieu, ils sont dans un triste état. Nabiki : Ça aurait pu être pire. L'autre maniaque n'en avait pas vraiment après eux. Enfin, heureusement que Ryôga-kun et Kunô-chan m'ont donné un coup de main pour les ramener, sinon il aurait fallu appeler une ambulance. Merci, les garçons. Ryôga et Kunô (ce dernier toujours coincé sous Sôun) répondent avec humilité. Ryôga : C'est rien du tout. Kunô : Toujours prêt à rendre service à la famille de ma chère Tendô Akané-san. Tout le monde entre dans la maison. Akané, alertée par le bruit, descend de sa chambre. En voyant la triste condition de son père, du père de Ranma et du vieux maître, elle pâlit encore plus. Les secouristes improvisés déposent les trois blessés dans le salon où des futons ont été préparés. Sous l'œil étonné de Kasumi, le Docteur Tôfû ausculte un oreiller. Heureusement pour Akané, Nabiki est là pour lui donner des nouvelles. Nabiki : Pas la peine de t'inquiéter, petite sœur. Otô-san et ojisan n'ont pas grand chose. Le docteur a dit qu'ils s'en remettront vite. Le plus dur a été d'enlever l'armure que portait papa. Elle était sacrément déformée. Le plus amoché, finalement, c'est Happôsaï. Le "pervers suprême" n'a pas l'air de respecter beaucoup son propre créateur. Akané : Je sais que le docteur les soignera bien. Mais il faudrait que je lui parle. Au sujet de Ranma. En fait, j'ai quelque chose à dire à tout le monde, mais il me faut surtout l'avis de Tôfû-senseï. Est-ce que tu peux éloigner Kasumi le temps que je lui explique, s'il te plaît ? Nabiki : Pas de problème, je m'en occupe. Voyant que Nabiki a finit de parler avec Akané et revient dans le salon, Ryôga et Kunô en profitent pour s'approcher de la plus jeune des sœurs Tendô. Kunô : Tendô Akané-san, ma douce et tendre, pardonne notre audace mais nous avons quelques questions à te poser. Ryôga : Oui, c'est très important. Akané acquiesce, circonspecte. Les deux garçons l'entraînent un peu à l'écart pour que personne ne les entende. Puis ils se placent devant la jeune fille, un air grave sur le visage. Ils ouvrent tous les deux la bouche au même moment, mais aucun son n'en sort. Le visage de Kunô pâlit soudainement, il transpire et déglutit bruyamment. Ryôga, par contre, devient d'un beau rouge lumineux et de la vapeur jaillit en sifflant par ses oreilles. Tous deux se détournent finalement dans un même mouvement. Ryôga : Je-je crois qu'en fin de compte, le moment est mal choisi. Kunô : Oui. Il est malpoli de notre part de t'assaillir de nos questions ridicules alors que tu as tant de soucis avec ta famille. Akané les regarde en clignant des yeux, sans comprendre, se demandant quelle mouche les a piqués. Les deux garçons s'éloignent d'un pas raide et mécanique. Haussant les épaules, Akané va rejoindre les autres dans la pièce des blessés. Lorsque la jeune fille ne peut plus les entendre, Ryôga et Kunô marmonnent. Ryôga : Je pourrais jamais lui demander si... si... Je pourrais jamais ! Kunô : En effet. Il n'est pas digne d'un gentilhomme de poser ce genre de questions indécentes à une jeune fille. Ce serait une impolitesse et un manque de savoir-vivre intolérable. Ryôga : On ferait mieux d'interroger directement Ranma. Kunô : Saotomé... Oui, bien sûr. Et cette fois, il sera bien obligé de nous répondre. Les deux rivaux de Ranma avisent Kasumi qui marche vers l'escalier en portant un plateau avec un verre d'eau et un flacon de médicament. Kunô : Tendô Kasumi-san, excusez-moi de vous déranger, mais Saotomé Ranma est-il ici ? Kasumi : Ho oui, Ranma est là-haut, mais je ne sais pas trop si c'est une bonne idée de lui rendre visite. Il a été très... choqué par ce qui c'est passé au lycée aujourd'hui. Kunô : Ça ne sera pas long. Ryôga : On veut juste lui parler. Kasumi baisse les yeux vers le flacon de somnifère qu'elle destine à Ranma- chan. Kasumi : Après tout, après il sera trop tard. Je vais lui demander si cela ne le dérange pas. Kasumi monte l'escalier, suivit par les deux garçons, qui font machinalement craquer leurs doigts. L'aînée des sœurs Tendô ouvre la porte de sa chambre et entre. Kasumi : Ranma-chan, tu vas mieux ? Tes amis voudraient te voir, est-ce que tu te sens assez en forme... Ryôga et Kunô n'ont pas attendu l'autorisation pour se glisser à leur tour dans la chambre, brandissant respectivement parapluie et bokutô. Mais ils sont accueillis par des hurlements qui les clouent sur place de surprise. Ranma-chan : YIIIIIII !!!!! Sortez immédiatement ! Les hommes ne doivent pas entrer dans la chambre d'une jeune fille ! Kunô et Ryôga clignent nerveusement des yeux en voyant la rouquine se cacher pudiquement derrière les draps (bien qu'elle porte encore ses sous- vêtements masculins). Kunô : O...Osagi-no-Onna ? Ma petite déesse rousse, mais que... ? Kasumi : Je vous avais dit d'attendre dehors. Allons, sortez, vous ne voyez pas que vous la gênez ? Les deux garçons sont trop étonnés pour opposer la moindre résistance à Kasumi, qui les repousse dans le couloir. Alertée par les cris, Akané surgit à son tour de l'escalier. Akané : Mais qu'est-ce qui se passe ? Oh, je vois ! D'autorité, Akané tend la main vers Ryôga et lui saisit une oreille, avant de l'entraîner à sa suite vers l'étage en dessous, malgré les cris de douleur du garçon. Ryôga : Aïe, aïe, aïe, aïe, AÏE ! Akané : Toi, Ryôga-kun, tu viens avec moi, je crois que ce que j'ai à expliquer te sera aussi utile qu'à tout le monde. Onê-chan, s'il te plaît, garde un œil sur Ranma. Kasumi hoche la tête d'un air entendu. Kunô, qui n'y comprend plus rien, la questionne désespérément. Kunô : Mais enfin, que fait-elle là ? Pourquoi ma douce Osagi-no-onna est-elle ici ? Kasumi : Ha, c'est vrai, vous n'êtes pas au courant. Et bien, je lui ai proposé de se reposer dans ma chambre. Après l'épreuve qu'elle a subie aujourd'hui, elle a besoin de réconfort. Kunô : Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Kasumi : C'est dur à dire, mais... cet individu peu respectable, qui se nomme Buckaroo Hentai, il... Kunô : Il n'a tout de même pas... ? Kasumi : Il a tenté d'abuser d'elle. Par chance, elle a pu s'échapper, mais elle a quand même été très choquée. Kunô : RAAAAAAAAAHHHHH !!!!!!! Un torrent furieux d'émotions s'empare de Tatéwaki Kunô. Rendu fou par la peine et la colère, il bondit hors de la maison. Dans le jardin, il stoppe et pointe son bokutô vers le ciel en hurlant à pleins poumons. Kunô : BUCKAROO HENTAI ! IMMONDE POURCEAU ! JE N'AURAIS DE CESSE DE TE POURSUIVRE, MÊME SI JE DOIS TE CHERCHER JUSQU'EN ENFER ! OÙ QUE TU TE CACHES, JE TE RETROUVERAIS ! TU N'ÉCHAPPERAS PAS À MON COURROUX ! JE TE FERAIS PAYER POUR TOUS TES CRIMES, ET SURTOUT POUR CE QUE TU AS VOULU INFLIGER À MA FRAGILE OSAGI-NO-ONNA ET MA CHÈRE TENDÔ AKANÉ ! TU SERAS PUNI PAR LE BRAS VENGEUR DE KUNÔ TATÉWAKI... Etc., etc., etc. (ajouter les vagues s'abattant avec violence sur les rochers, les éclairs bleus traversant le ciel, et les flammes sortant des enfers tout autour de Kunô pour avoir une petite idée de l'ambiance). * * * Dans la chambre d'amis, Akané, la voix serrée, explique aux autres le comportement de Ranma après les horribles événements d'aujourd'hui, ainsi que les conclusions de Kasumi. Lorsqu'elle s'arrête, elle est au bord des larmes. Sôun, Genma et Happôsaï, bien qu'alités, sont tout à fait assez conscients pour réaliser la situation. Des larmes coulent du visage impassible de Genma (redevenu humain), tandis que Sôun pleure à torrent en hurlant. Sôun : C'est une catastrophe ! Pourquoi ? Pourquoi est-ce que tout se ligue pour empêcher l'union de nos deux familles ? Genma : Mon fils... Mon fils unique... c'est terrible. Happôsaï ne dit rien ; il faut dire que ses bandages ne lui en laisse guère l'opportunité. La seule partie visible de son anatomie, ses yeux, sont humides avec les pupilles distendues et luisantes. Nabiki, adossée à un mur, et Ryôga, assis en tailleur, n'ajoutent rien non plus. Ryôga se gratte la tête d'un air gêné. Nabiki fixe le sol, comme plongée dans une profonde réflexion. Le Docteur Tôfû, parfaitement maître de lui-même à présent, a écouté avec une grande attention. Il demande d'autres précisions à Akané. Tôfû-senseï : Et tu dis que ce n'est pas la première fois que cela arrive ? Akané : Non. Une fois, après s'être cogné la tête, il s'est comporté exactement comme une fille. Et il ne jouait pas la comédie, c'est certain. Ça a duré pratiquement une journée, mais après un autre coup sur la tête, il est redevenu lui-même. Sôun : Oui, c'est ça ! Un bon coup sur la tête devrait lui rendre ses esprits ! Tôfû-senseï : Oh non ! Stop ! N'y pensez même pas. Vous ne risqueriez que d'aggraver les choses. En fait, je regrette de ne pas avoir été mis au courant dès sa première crise. Je crains que vous n'ayez grandement sous-estimé la gravité de son cas. Akané lui lance un regard mortellement inquiet. Akané : À ce point-là, docteur ? Tôfû-senseï : Hélas oui. Certes, je ne l'ai pas encore examiné, et je ne suis pas psychiatre ou neurologue. Mais d'après ce que j'ai entendu, il y a fort à parier que Ranma souffre d'un cas de personnalités multiples. Nabiki : Des personnalités multiples ? Tôfû-senseï : Oui. En fait, c'était très prévisible. Pensez-y, la malédiction qui lui fait passer d'un sexe à l'autre à tout moment entraîne en toute logique une tension extrême. Surtout au niveau de son sens de l'identité. Rendez-vous compte, il devait parfois ne plus savoir s'il était une fille ou un garçon. Akané : Mais, senseï, pourtant... Ranma s'est toujours comporté de la manière la plus virile possible. Enfin, la plupart du temps, c'est un parfait macho. Il a souvent clamé qu'il détestait être une fille et qu'il avait horreur de toutes les activités typiquement féminines ! Le Docteur Tôfû soupire. Tôfû-senseï : C'est précisément là le nœud du problème ! Il est évident qu'il a toujours cherché à refouler tout ce qu'il pouvait y avoir de féminin en lui. S'il ne l'avait pas fait, les doutes concernant le sexe auquel il appartenait seraient devenus insupportables. Mais à force de refoulements, on finit par arriver à un point limite. Les pulsions et la part féminine de sa personnalité pouvaient être mises à l'écart dans son subconscient, mais pas complètement détruites. Elles ont fini par former une personnalité alternative, distinctes de l'homme Ranma. Et, d'après ce que vous m'avez dit, cette personnalité est à l'exacte opposée de celle de Ranma. Nabiki : Oui, c'est vrai. Si mes souvenirs sont bons, elle était devenue hyper-féminine, détestant la violence, prude, douce et attentionnée, au point de donner des complexes même à Kasumi. Pas possible d'être plus différents. Tôfû-senseï : C'est bien ce que je disais. Tous les traits de caractère que Ranma a refoulé se retrouvent dans cette personnalité alternative. Ça n'a rien d'étonnant, Ranma y était déjà prédisposé après tout. Genma tressaille, les révélations qu'il entend au sujet de son fils le dépassant complètement. Genma : Comment cela ? Tôfû-senseï : Mais oui, de part sa phobie des chats. Lorsqu'il cède à sa peur, il finit par devenir mentalement un chat. C'est encore une autre personnalité alternative, en fin de compte. Nabiki : Et il peut en avoir beaucoup, comme ça ? Tôfû-senseï : Oh... les cas sont rares, mais il existe des personnes chez qui cohabitent une dizaine de personnalités différentes. Akané pâlit. Akané : Mais... lorsqu'il se change en chat, ça ne dure jamais très longtemps. Est-ce que ça veut dire qu'il va redevenir lui-même ? Tôfû-senseï : Là, malheureusement, je ne peux pas répondre. Il est en effet possible que ces échanges de personnalité soient cycliques. Auquel cas, il pourra effectivement retrouver sa personnalité d'origine après un certain temps. Bien sûr, il est impossible de dire au bout de combien de temps, si un nouveau choc est nécessaire ou si cela se produira naturellement... Sôun : Mais alors, tout espoir n'est pas perdu ! On doit pouvoir l'obliger à redevenir un garçon ! Le Docteur Tôfû se lève et fixe les deux pères de famille alités, ainsi que le reste des personnes présentes, d'un air extrêmement sérieux. Tôfû-senseï : Écoutez-moi *très* attentivement ! Vous ne devez en *aucun* cas le brusquer ! Les conséquences sur son psychisme pourraient être catastrophiques. Dans son état actuel, il peut très bien créer une dizaine de nouvelles personnalités alternatives, juste comme moyen de défense contre un environnement hostile. Et encore, c'est là l'hypothèse la plus optimiste ! Il ne faut surtout pas le contrarier ! Jamais ! Genma et Sôun, très mal à l'aise, finissent par acquiescer, impressionnés par la voix et le regard du docteur, tous deux empreints d'une gravité terrible. Tôfû-senseï : Sans compter que les circonstances de la crise actuelle doivent le... enfin, la rendre encore plus fragile sur le plan émotionnel. Ryôga : Les circonstances ? Tôfû-senseï : Oui. Ce changement de personnalité n'a pas cette fois été provoqué par un coup à la tête. Ranma a subi un choc émotionnel très intense lorsque ce maniaque a menacé de la violer. Il ne pouvait supporter cela, parce que c'est une situation inimaginable en tant qu'homme. Aussi, il est probable qu'il s'est réfugié dans sa personnalité féminine pour échapper à l'horreur de la situation. Akané : Réfugié ? Tôfû-senseï : Oui. Je n'en suis pas certain, mais on peut supposer que c'est finalement un processus très proche de ses transformations mentales en chat. Elles se produisent lorsque sa peur devient obnubilante, et qu'il ne peut y échapper. Il devient alors un chat pour surmonter la terreur. Nous rencontrons le même cas ici : Ranma a été tellement terrifié de subir quelque chose d'insupportable pour un homme, que sa seule échappatoire a été de devenir une fille. Akané : Alors... Ranma est devenu ainsi... parce qu'il ne voulait plus être un homme ? Tôfû-senseï : Sur un plan inconscient, bien sûr. Ce que je crains, c'est que tant que cette menace, ou le souvenir de ce qu'il a vécu, pèsera sur son esprit, il y aura sûrement un blocage psychologique très fort. Je suis prêt à parier qu'au fond de lui-même, Ranma n'a aucune envie de revenir pour l'instant à son moi masculin. Akané : C'est terrible... Ranma... Akané semble sur le point de fondre en larmes. Elle tremble spasmodiquement et son regard est vide et désespéré. Le docteur se penche sur elle pour tenter de la conforter. Nabiki s'approche dans le but de soutenir sa petite sœur. Nabiki : Tôfû-senseï, il doit bien y avoir un moyen de le soigner ? Tôfû-senseï : Je voudrais pouvoir vous rassurer, mais... hélas, les cas de personnalités multiples sont excessivement complexes à traiter. Et le cas de Ranma est encore plus délicat que la moyenne. Nabiki : Ha ? Pourquoi ? Tôfû-senseï : C'est bien simple. Voyez-vous, les personnes souffrant de dédoublement de la personnalité peuvent très bien se prendre pour quelqu'un de plus jeune, plus vieux ou même du sexe opposé. Malgré toute évidence dans leur apparence qui pourrait démentir cette nouvelle personnalité, l'autosuggestion est trop forte. Ils se voient ainsi, et il est pratiquement impossible de les convaincre qu'ils ne sont pas sous leur véritable identité. Tout le monde écoute le docteur en avalant sa salive, anxieux. Tôfû-senseï : Dans le cas de Ranma, c'est encore pire. Il se transforme *physiquement* en fille et plus du changement mental. Dans ces conditions, tenter de lui démontrer que son comportement est anormal confine au ridicule. N'importe quel inconnu la voyant actuellement conclurait qu'il a en face de lui une fille parfaitement ordinaire. Le docteur marque une longue pause, comme s'il hésitait à formuler sa dernière pensée. Tôfû-senseï : De fait... on est même en droit de se demander si, en fin de compte, parmi ces deux personnalités, l'une est la vraie... ou si elles sont toutes deux aussi légitimes l'une que l'autre. Akané : Comment vous pouvez dire ça ! Ranma est un garçon, personne ne peut en douter ! Tôfû-senseï : Je conçois ton désarroi, Akané. Mais il faut bien que vous compreniez tous que ce phénomène est en quelque sorte un mécanisme de défense. Il est sûrement indispensable pour Ranma que sa personnalité féminine prenne le dessus de temps en temps, afin que son esprit perturbé garde son équilibre. Cela lui permet sans aucun doute de vivre dans la condition absurde d'être alternativement homme et femme. Si on le prive de cette soupape de sécurité... les conséquences pourraient s'avérer dramatiques. Akané : Comment ça pourrait être pire ! Akané n'est plus en mesure d'en écouter plus. Elle sanglote pitoyablement, agenouillée par terre, d'un air misérable. Nabiki sent que personne ici n'est en mesure de la consoler efficacement, d'autant plus que tous ignorent encore ses nouvelles relations avec Ranma. Nabiki conclue que Kasumi serait plus à même d'aider sa cadette dans la situation actuelle. Elle se penche vers sa petite sœur pour la réconforter, l'aide à se relever et l'entraîne vers la porte. Avant qu'elle ne parte, Tôfû-senseï ajoute quelques derniers mots. Tôfû-senseï : Évidemment, je peux me tromper dans certaines de mes conclusions. Je vais aller voir comment Ranma se porte. Après, je contacterai un collègue, plus apte que moi pour ce genre de cas. Nabiki : Merci pour tout, Tôfû-senseï. Nabiki pousse Akané en direction de sa chambre pour qu'elle puisse s'y reposer. Les hommes restés dans le salon restent silencieux un long moment. Le Docteur Tôfû quitte la pièce. Ryôga, perplexe, ne sait que penser de tout ça. L'état de Ranma le tracasse, pour diverses raisons, mais c'est surtout la peine que ressent Akané qui lui brise le cœur. Autre chose le préoccupe, mais il se sent très embarrassé d'aborder le sujet avec quiconque. Malgré tout, continuer à garder cela sous silence lui semble impensable. Après mûre réflexion, il pense avoir trouvé la bonne personne pour en parler. Ryôga sort du salon à son tour, et monte les escaliers. Là, il voit Kasumi pousser la porte de la chambre de Akané, où sa plus jeune sœur doit déjà être entrée. Dans le couloir, Nabiki réoriente le Docteur Tôfû vers la chambre où se repose Ranma, car le praticien semble avoir oublié ce qu'il était venu faire en voyant passer Kasumi. Ryôga prend une profonde inspiration et avance pour intercepter Nabiki qui se dirige à son tour vers la chambre de Akané. Ryôga : Nabiki-san, excuse-moi, mais... j'ai quelque chose à demander... Enfin il y a quelque chose que j'ai appris et que... enfin, je n'ai aucune certitude, mais... Nabiki : C'est important ? Ryôga : Oui, très. Ça concerne Akané, et dans les ci-cir-constances... enfin ce qui se passe... il faut que tu... que quelqu'un... que ta famille... le sache... si vous ne le savez pas encore, bien sûr... parce qu'il est possible que ce ne soit rien de nouveau pour vous, et... Nabiki : Détends-toi, Ryôga-kun. Respire. Et dis-moi calmement ce qui te chiffonne tant que ça. Ryôga : Voilà, euh... au sujet de ce qui c'est passé aujourd'hui à l'école... ah mais au fait, Ranma était là. Il vous en a peut-être déjà parlé ? Nabiki : D'après Kasumi, Ranma-chan n'a guère envie de parler de ce qu'elle a vécue aujourd'hui. Et je la comprends. Ryôga : Oui, je vois. Peut-être même qu'elle ne s'en souvient pas du tout. Nabiki : Bon, Ryôga-kun, est-ce que tu vas me dire oui ou non de quoi il retourne ? Ryôga : Bien. Voilà. Lorsque ce taré, ce maniaque, ce pervers, cet obsédé, ce démon lubrique... Nabiki : Oui, je vois de qui tu veux parler. Ryôga : Lorsque Buckaroo Hentai a surgi pour attaquer Ranma, et avant qu'il m'a... enfin que je... que je n'ai plus été en mesure de combattre, il a dit quelque chose. Une histoire abracadabrante comme quoi il pouvait voir les auras des gens et deviner des trucs incroyables... Nabiki : Tu peux en venir au fait, s'il te plaît ? Ryôga avale sa salive avec de grandes difficultés. Il rougit, s'étrangle, suffoque, mais, estimant s'être déjà trop engagé dans cette voie, ne renonce pas. Ryôga : Il a dit... il a dit... que Akané-san... était... serait... Le dernier mot de Ryôga est un murmure à peine audible. Ryôga : ...en...cein...te. Nabiki cligne des yeux, plus qu'un peu éberluée. Elle n'ose pas demander à Ryôga de répéter, de peur qu'il ne s'évanouisse sous la tension nerveuse. Puis, comme une mécanique bien rodée, son cerveau se met en branle et envisage avec soins toutes les implications de ce qu'elle vient d'entendre. Ryôga : C'est... c'est ridicule, pas vrai ? Il a sûrement tout inventé ? Les pensées de Nabiki, d'abord focalisée sur des inquiétudes au sujet de sa petite sœur, passent instantanément à des questions plus pratiques. Nabiki : Est-ce que tu en as parlé à quelqu'un d'autre, Ryôga-kun ? Ryôga : Nabiki-san, c'est quelque chose d'impossible, n'est-ce pas ? Akané n'a pas... Nabiki : Ce genre d'information dépasse largement ton budget, Ryôga ! Dis-moi simplement si quelqu'un d'autre est au courant ! Ryôga : Euh..., ben, à part Ranma, Kunô était là aussi et il a entendu. Nabiki : Kunô ? Aïïïïïïïïïe... Nabiki se prend le front dans une main et ferme des paupières crispées en baissant la tête. Nabiki : Bon... je pense que je peux m'en arranger. Mais toi, surtout, tu n'aborde plus ce sujet avec personne. Il faut éviter de répandre cette rumeur, c'est bien compris ? Ryôga : Alors, c'est vrai ! Ranma ! Ranma, je vais te... Nabiki : Et surtout pas avec Ranma ! N'oublie pas dans quel état il est en ce moment ! Il n'a vraiment pas besoin que sa horde de fiancées vienne le harceler, et encore moins qu'elles s'en prennent à Akané par jalousie ! Si jamais tu ouvres une fois de trop ta grande gueule pleine de crocs... Ryôga pâlit à l'idée du danger que pourrait courir Akané. Puis sa bouche tremble et ses yeux se remplissent de larmes. Pleurant, serrant les dents et crispant les poings, Ryôga dévale l'escalier et se rue hors de la maison. Il s'éloigne en bondissant de toit en toit, et s'arrête finalement pour pousser un long cri de désespoir. Ryôga : AAAKAAANÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉÉ !!!!!!!!!!!!!!!! * * * À suivre...